Par Neil Fraser et Melicent Lavers‑Sailly - Utilisé avec la permission de Hospital News

Puisque chaque province et territoire dispose d’un système de soins de santé à payeur unique, le Canada se trouve dans une position unique pour devenir un chef de file en matière de soins de santé basés sur la valeur, et ce, en s’attaquant à deux aspects de l’équation : la mesure des résultats qui importent aux patients et l’intégration du financement pour les coûts qui sont associés à ces résultats.

Mais avant que le Canada puisse devenir un chef de file dans le domaine, il doit d’abord être dans la course.

À la tête de l’harmonisation de la mesure des résultats à l’échelle mondiale, l’International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM) a mis au point des ensembles standardisés couvrant près de 50 % du fardeau mondial de la maladie. Ceux-ci mesurent non seulement les complications aiguës, le taux de survie et le contrôle de la maladie, mais également les résultats déclarés par les patients. Par exemple, si un patient subit une intervention chirurgicale à la prostate, l’ensemble de données mesurerait l’incontinence urinaire, la dysfonction sexuelle et la vitalité, en plus des taux de complications, de récidive et de survie.

L’un des exemples les plus marquants de l’impact de la mesure des résultats déclarés par les patients est celui de la Martini Klinik et de son utilisation de ces résultats. Cette clinique située à Hambourg, en Allemagne, possède l’un des programmes de traitement du cancer de la prostate les plus importants au monde. Grâce à la mesure et à la comparaison des résultats déclarés par les patients et aux interventions basées sur ceux-ci, le programme a obtenu des résultats considérablement supérieurs aux données de la moyenne nationale : un taux d’incontinence de 6,5 % par rapport à la moyenne nationale de 43,3 % et un taux de dysfonction érectile grave de 34,7 % par rapport à la moyenne nationale de 75,5 %.

 

Santeon, un groupe de six hôpitaux indépendants situés aux Pays-Bas, cherche à surmonter cet obstacle en travaillant à un projet nommé Collaborating for Value: The Santeon Hospitals in The Netherlands. Le rapport décrit comment les six hôpitaux ont collaboré pour uniformiser la façon dont les renseignements suivants sont diffusés : les résultats (y compris la mesure des résultats déclarés par les patients), tous les coûts associés aux interventions chirurgicales (p. ex., diagnostics, durée du traitement, consultations externes, etc.) et les processus (p. ex., frais d’annulation).

Le groupe Santeon a découvert que le partage des meilleures pratiques entre cliniciens et l’adoption d’une approche de type « centre d’excellence » (aussi appelé unité de pratique intégrée) permettaient d’améliorer les résultats et de réduire les coûts. Par exemple, grâce au regroupement des programmes de prostatectomie radicale de deux hôpitaux, les complications postopératoires liées aux prostatectomies ont été réduites de moitié et il n’a pas été nécessaire d’acheter un deuxième appareil robotique.

Le groupe a également constaté que le simple fait d’assurer la transparence des données a eu un effet considérable. En effet, même si les équipes d’amélioration de seulement deux hôpitaux s’étaient fixé comme objectif de réduire leur taux d’admission la nuit pour les soins de cancer du sein, tous les hôpitaux du groupe ont observé une diminution moyenne de 65 % après que les données soient devenues transparentes.

Le Canada dispose d’hôpitaux et de médecins qui se classent parmi les meilleurs au monde. Si nous pouvions tirer parti des ensembles standardisés et comparer les diverses mesures de résultats dans nos propres hôpitaux, à l’échelle des provinces et dans d’autres pays, le Canada profiterait d’une occasion en or d’améliorer ses résultats cliniques.

Outre l’impact sur les patients, la mesure des résultats permettrait aux gouvernements, aux administrateurs de soins de santé et aux fournisseurs de soins de santé de mesurer les résultats de l’adoption de nouvelles procédures, de nouveaux modèles de paiement et de nouvelles technologies, y compris les solutions offertes par des entreprises comme Medtronic.

Lors du Congrès 2017 de l’ICHOM, Ernst van Koesveld, directeur général adjoint du ministère de la Santé, du Bien-être et du Sport des Pays-Bas, a affirmé que l’objectif du pays est de mesurer 50 % des résultats d’ici 2021 et d’offrir à tous les patients un accès en ligne à leur dossier médical d’ici 2020. Les Pays-Bas prévoient également mettre largement à l’essai divers modèles de financement des soins de santé et de pratiques novatrices d’approvisionnement.

Michael Porter, professeur à Harvard, s’est également prononcé à ce sujet lors du congrès. Selon lui, l’accès à des mesures de résultats standardisées en fonction de la maladie clinique et du segment patient est le moteur le plus puissant de l’amélioration dans le domaine des soins de santé.

Il n’est donc pas surprenant de constater que les ministres de la Santé de partout dans le monde – y compris du Canada – étaient du même avis lors d’une conférence de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en janvier 2017 : « Nous devons investir dans des mesures qui nous permettront de déterminer si nos systèmes de santé apportent aux usagers ce qui compte le plus pour eux ».

Maintenant que tous sont d’accord, nous avons l’occasion d’agir. Le gouvernement fédéral du Canada pourrait jouer un rôle prédominant dans l’uniformisation de la mesure des résultats partout au pays en travaillant avec les provinces et en se basant sur les ensembles de données de l’ICHOM. Le gouvernement pourrait ainsi aborder le premier aspect de l’équation de la valeur.

Afin de traiter le second aspect de l’équation et d’intervenir sur la base des renseignements recueillis à partir des données des résultats, nous devons être prêts à réexaminer la façon dont les soins de santé sont financés.

Comme pour la mesure des résultats, nous disposons d’une foule d’exemples internationaux de modèles de financement intégrés dont nous pourrions nous inspirer. En Ontario, il y a même une demi-douzaine de projets pilotes de financement regroupé. Mais nous pouvons faire encore mieux, non pas en tenant compte uniquement des éléments qui sont remboursés, mais en calculant tous les coûts liés au cycle de soins complet pour une maladie précise. Le Dr Robert Kaplan, professeur à Harvard, a démontré que ce modèle de coût basé sur le temps et les activités est efficace non seulement dans les usines, mais également dans le milieu des soins de santé.

Maintenant que nous savons qu’il est efficace de mesurer les résultats et les coûts, il ne suffit pas d’être simplement dans la course à l’échelle nationale – il faut devenir un chef de file dans le domaine.

Neil Fraser est président de Medtronic Canada, président de MEDEC, l’association nationale représentant le secteur des dispositifs médicaux au Canada, et membre de la Table de stratégies économiques – Sciences biologiques et santé. Melicent Lavers‑Sailly est chef principale, Communications et marketing d’entreprise à Medtronic Canada et membre du groupe de travail marketing TOHealth!