Le Coeur Net Numéro 9 Publication

Le doute sur les stents et ballons au paclitaxel est-il fondé ?

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Le doute sur les stents et ballons au paclitaxel est-il fondé ? 

Coup de tonnerre chez les interventionnistes périphériques. Les stents et ballons au paclitaxel – utilisés sur les lésions artérielles des membres inferieurs – augmenteraient la mortalité à 2 et 5 ans1. Mais d’autres analyses ne semblent pas confirmer ces résultats. 

En décembre 2018, la publication dans le Journal of the American Heart Association de l’étude de Katsanos et coll.1 sur la sécurité de l’utilisation des stents actifs et des ballons à élution de paclitaxel dans la revascularisation endo-vasculaire périphérique a soulevé des interrogations légitimes. Ce travail de revue systématique et de méta-analyse de 28 essais cliniques contrôlés randomisés a conclu à une absence de surrisque par rapport aux stents et ballons nus à un an. Mais en s’appuyant sur 12 études étendant la surveillance à 2 ans, les chercheurs ont mis en évidence une majoration de 68 % du risque de décès, ce chiffre augmentant encore avec le temps pour s’établir à 93 % dans les 3 études où le suivi des patients était de 5 ans.

Selon les données analysées, un lien existerait entre la dose de paclitaxel délivrée dans le temps et le risque absolu de décès (0,4 % de sur-risque pour chaque mg/année avec, selon les dispositifs utilisés des doses comprises entre 1 et 20 mg/année et une moyenne de 3 mg/année). Les auteurs soulignaient l’intérêt de mettre en place des études de suivi à long terme des patients traités par du matériel endo-vasculaire à élution de paclitaxel.

Bien que les causes des décès n’aient pas été analysées précisément, la FDA a transmis une lettre d’alerte aux professionnels de santé et plusieurs études en cours ont été suspendues (BASIL-3, SWEDPAD1 et SWEDPAD 2, par exemple).

De plus l’ANSM, qui a réuni un groupe d’experts et a auditionné des sociétés savantes, conduit des investigations complémentaires suite à cette méta-analyse. L’ANSM poursuit également ses investigations en coordination avec les autres autorités compétentes européennes et internationales afin notamment de confirmer ou infirmer ce risque.
Dans l’attente, l’ANSM a publié des recommandations le 13 mai 2019.*

Une efficacité prouvée2

Pour le Dr Bahaa Nasr (CHRU de Brest), « parmi les angioplasties avec élution, celle au paclitaxel est la plus adaptée pour le traitement périphérique, puisque contrairement à l’élution au sirolimus, elle a montré son efficacité sur la perméabilité2. Il n’est pas judicieux de remettre en question cette technique sur la foi d’une méta-analyse d’études mises en place pour prouver la perméabilité et pour lesquelles le nombre de perdus de vue est important. La FDA a demandé un complément d’études en vie réelle avant de lever son alerte et les premiers résultats viennent d’être publiés ».

Pas de surmortalité ?

En février 2019 un travail mené aux Etats-Unis sur les patients bénéficiant d’une prise en charge par Medicare ou Medicaid et traités par revascularisation fémoro-poplitée a été publié dans JAMA Cardiologie3.  Il infirme les résultats de la publication de Katsanos et coll. Au total, 16 550 patients ont été inclus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016. Les données de mortalité, toutes causes confondues, ont été analysées le 30 septembre 2017 (médiane 389 jours).

Tout au long du suivi, et quel que soit le matériel utilisé, la mortalité est significativement inférieure (p=0,007) en cas d’utilisation de paclitaxel endo-vasculaire. Par exemple, à 600 jours post-procédure, la mortalité toutes causes confondues s’établit à 32,5 % avec le paclitaxel contre 34,3 % avec ballons et stents sans élution.

Des doses minimes

« Cette publication est tout à fait rassurante, même si elle n’inclut pas encore de données à long terme. Des études en ce sens sont nécessaires. Néanmoins, l’hypothèse d’une majoration de la mortalité avec les faibles doses de paclitaxel utilisées (2 microgrammes par mm2 contre 175 mg/m2 en cas de cancer du sein ou de l’ovaire) reste peu vraisemblable », conclut le Dr Bahaa Nasr.